I loved New York

Calme apparent chez les intellos new-yorkais…

Vanessa, blogueuse et camarade d’exil puisqu’elle est, comme moi, une étrangère installée à Berlin, a eu le bon goût de m’offrir un roman qui lui a plu : What I loved de Siri Hustvedt (en France, le titre est Tout ce que j’aimais).

Ah! je vous vois tiquer. « Siri Machin, c’est pas la femme de Paul Auster? Ouais d’accord.. . pas difficile de se faire publier – peut-être même que c’est Auster lui-même qui a écrit le bouquin, allez savoir – etc. »

Ces idées sottes m’ont traversé l’esprit aussi. Et elles n’ont pas disparu à la lecture de la première partie de ce roman où les personnages sont tous des professeurs d’université respectés, des artistes peintres super talentueux, où l’on cite Lacan et Huysmans à tour de bras.

Car c’est l’histoire d’un homme, Leo, qui vit à New York dans les années 70, entourés de sa femme, de son fils, de son meilleur ami peintre et de sa chérie étudiante, tout cela dans des lofts mitoyens qui fleurent bon la culture et l’intellect. Au début, je me suis demandé si c’était une version intello-cul de Friends. Ou, comme je l’ai mentionné sans gêne à Vanessa, si c’était du Woody Allen sans autodérision.

Tout va trop bien dans ce petit monde juif new-yorkais. La plume de Siri Hustvedt est relativement factuelle et égrènent les moments de bonheur. J’ai failli lâcher. Lorsque soudain…

…soudain, le deuxième chapitre m’en a mis plein la gueule. Je ne peux pas révéler ce qui s’y passe, le spoiler serait trop hideux. C’est donc là, au chapitre second, que je me suis accrochée à ce livre comme à un radeau, et que j’ai passé les deux cent pages suivantes dans la tempête.

Lentement, Leo perd tout ce qu’il a aimé. Et, superbement, Siri Hustvedt démontre qu’elle fait très bien son métier d’auteur et que sa courbe dramatique est implacable. Pendant ce temps, le lecteur masochiste ne peut faire autrement que de descendre lui aussi aux enfers avec le pauvre Leo.

Si Hustvedt n’est pas la plus belle plume anglophone que j’ai rencontrée, elle est du moins une de ces storytellers à l’américaine qui maîtrisent complètement les aspects psychologiques de leurs personnages et n’écrit pas une phrase pour ne rien dire. C’est élégant, travaillé, sobre et profondément intelligent.

Merci encore à Vanessa pour cette lecture aux qualités addictives!

26 Commentaires

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26 réponses à “I loved New York

  1. Une fois, une fois seulement j’aimerais entendre ces réflexions sur les couples d’écrivains dans l’autre sens: « Ah ouais XY Masculin, c’est le mari de Madame la Grande Plume, ça doit super facile pour lui… de toute façon, des passages comme ça, y a qu’une femme pour les écrire… C’est Madame la Grande Plume qui se cache derrière, c’est sûr… »
    Tiens d’ailleurs, est-ce qu’on se fait/ferait ce genre de réflexions à propos de couples gays ou lesbiens?
    Quoi qu’il soit, les deux sont sur ma liste d’auteurs à découvrir (depuis un moment).

  2. vanessathecakemaker

    Je suis bien contente que ce livre t’ait plu. En fait, c’est par Julie de Book Travellers que je l’ai découvert. Moi, j’étais toujours une inconditionnelle de Paul Auster mais je ne connaissais aucun livre de sa femme. Parfois quand on donne des livres chéris aux amis, ça ne marche pas toujours. Une copine à moi détestait l’Étranger, me disant que Mersault était comme un robot, ce qui lui faisait horreur!

    Je tiens à te remercier encore une fois pour ton cadeau sur la photographie dans l’URSS que j’adore. Bises et à très bientôt.

  3. @Agnès : j’ai oublié, il faut demander à Vanessa, mais c’est un bouquin assez introuvable, je pense. Je l’ai acheté à la librairie du musée d’art contemporain « Hamburger Bahnhof » à Berlin.

  4. la même Siri Machin
    traduit Flaubert
    et avoue ne pas trop aimé Madame Bovary

  5. @ Stéphane : ok merci pour le tuyau! en ce moment ma pile de bouquins à lire me fait peur (et m’excite en même temps)

    @ Agnès : ma foi, elle est bien fournie ta bibliothèque… je suis épatée

  6. Addictif, c’est vraiment le mot !

    Ma mère m’a prêté ce livre, que j’ai ouvert comme toi sans grand enthousiasme au début. Tout ce monde beau et talentueux m’énervait un peu, pourtant je devais reconnaître que ça ne sonnait même pas faux.

    Ensuite, je me suis laissée happer par l’histoire. J’étais tellement troublée à la fin que j’ai immédiatement tout relu. La première fois, j’ai été frappée par le talent avec lequel Siri Hustvedt entraîne le lecteur dans le malaise de ses personnages ; la seconde, par sa finesse psychologique.

    Finalement c’est un des romans qui m’ont le plus marquée ces dernières années. Contente que tu lui fasses de la pub !

  7. elou

    Toujours ces coïncidences: j’ai depuis longtemps envie de le lire et depuis quelques jours, j’en entends parler sans cesse… je suis de nouveau très impatiente de le lire… Merci!

  8. Passant beaucoup de temps dans les librairies, je l’avais sans cesse sous mon nez il y a encore un an. Mais comme je me méfie souvent snobinardement de ce qui suinte trop facilement des rayonnages, je l’ai vu et revu, sans le regarder. Grossière erreur semble-t-il. Erreur réparable néanmoins. Merci Magda !

    • Moi, je n’avais pas du tout vu ce livre passer. Sans Vanessa, je n’aurais jamais eu l’idée de le lire – j’ai fait confiance à son bon goût confirmé et je n’ai pas été déçue. Bonne lecture alors!

  9. holden

    C’est bien d’en parler.

    Elle souffre en effet du succès de son mari : cf tes premières réflexions, sans doute partagées par bcp, et moi-même avant de découvrir « Elégie pour un américain », un excellent roman.

  10. cherine

    J’adore ce bouquin – c’est deux romans en un, et meme si la premiere partie est plus poseuse, j’etais accro des la premiere page. Elle a un talent inoui, et elle est d’une beaute… Tu as lu « The blindfold »? C’est un peu moins mature, plus narcissique, mais obsedant.

    • Ah, contente de voir que tu es d’accord avec moi, cette première partie est agaçante – pas de manière rétroactive mais de manière active.
      Je note aussi « The blindfold », je n’avais encore jamais rien lu de Hustvedt avant « What I loved ».

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