Comptes de fées

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Oui, ça fait peur, la forêt, très peur… et c’est pour ça qu’on aime s’y perdre, hein, petit Poucet?

En parcourant le blog de Don Lorenjy, un chouette écrivain et blogger, que découvre-je? Un article fort intéressant sur les choix des éditeurs dits « spécialisés dans le livre jeunesse ». Ceci est mon « commentaire » au billet de Don.

Il y a quelques années, je travaillais comme stagiaire (à un poste de CDI, mais pour 800 euros de moins) dans une très grande maison d’édition française, dans la section des livres pour enfants. Je lisais les manuscrits et les pré-selectionnais pour l’éditrice responsable des albums illustrés. Des centaines de manuscrits arrivaient par mois, je les lisais avec la plus grande attention ; et figurez-vous qu’au milieu de tous ces documents souvent d’un niveau bien médiocre, il m’arrivait de dénicher une perle de poésie, quelque chose d’un peu rare, d’un peu nouveau, d’un peu humble, pas à la mode, joli, intelligent, pas « éducatif », pas niais, pas bêtifiant. C’était très rare, mais dans ces moments-là, je bondissais, je m’enthousiasmais, je forçais l’éditrice à le lire tout de suite.

Mais ces « perles » n’ont jamais vu le jour. Parce qu’une maison d’édition doit faire du chiffre. C’est normal – peut-être, après un gros succès de librairie, pourront-ils un jour embaucher au lieu de prendre des stagiaires (qui a dit « tu rêves? »). Or, il semblerait que les parents eux-mêmes préfèrent acheter des livres dits « éducatifs » à leur progéniture. Donc, faire du chiffre, c’est publier une histoire qui « apprend » quelque chose aux enfants.

Je ne sais pas pour vous, mais moi, ça me révolte. J’ai le sentiment qu’on prend les jeunes lecteurs pour des pigeons, qu’il faut se dépêche de leur inculquer des idées vertueuses et scientifiques sur l’amour, la vie, la sexualité, l’école… Mais moi, enfant, je me foutais de ces albums qui représentaient mon quotidien, je trouvais ridicules ces gamines de roman à deux sous avec lesquelles je ne m’identifiais pas. Moi je voulais être Blanche-Neige. Blanche-Neige est un peu crado, lorsqu’on y pense. Oedipienne, entourée de sept hommes au fond de la forêt, désobéissante voire pécheresse (on n’est pas loin d’Eve tout de même), et cerise sur le gâteau, vengeresse lorsqu’elle punit la sorcière. Suis-je un monstre aujourd’hui? (ma mère dirait qu’il ne faut pas me contrarier, mais bon.)

Je trouve que l’édition pour enfants s’est aseptisée à mort, que tous ces bouquins où l’on conte les bêtises javellisées d’enfants propres sur eux me font bailler d’ennui… Relisons les contes de Grimm ou les contes traditionnels asiatiques. Ogres, sorcières, monstres, poisson aux mille dents… jeune vierges qui ne veulent pas quitter la maison de leur père, princes qui doivent affronter mille obstacles pour enlever la princesse… les enfants ne sont pas traumatisés par ces histoires. Elles sont le reflet de leur imaginaire et de leur inconscient. Elles sont réellement adaptées à leurs envies de lecture, de rêve, et elles leur permettent de vivre leur perversité sans avoir à l’expier. Le livre de Bruno Bettelheim, grand psychanalyste, est à mettre entre toutes les mains : Psychanalyse des contes de fées.

Les livres « éducatifs », avec leurs sons intégrés, leurs couleurs flashy, leurs textes bébêtes (« Maman, pourquoi j’ai un petit zizi, pas un gros comme Papa? » – véridique) ne sont pas des livres. Ce sont des objets. Un livre renferme du rêve et des choses noires, de la profondeur, de l’intime, de la peur, du désir…

Je préfère mille fois ma Blanche-Neige, cette sainte-nitouche super perverse, à toutes ces histoires faites pour formater nos petits. Pas vous?

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Cendrillon attend que les éditeurs français osent publier de vrais livres pour enfants… et que les parents arrêtent de n’acheter que « Petit Ours Brun »!

40 Commentaires

Classé dans Ma vie littéraire

40 réponses à “Comptes de fées

  1. Merci de nous avoir fait partager ton expérience. Cet éditeur est tout à fait dans son droit de faire du chiffre avec ce qui se vend, tant que d’autres ont le droit de proposer un choix plus éclectique.
    Mais pourquoi donc les parents veulent-ils éduquer leurs enfants à travers leurs lectures ? Pour ne pas avoir à le faire eux-mêmes ?
    Et comment savent-ils que tel bouquin est « éducatif », tel autre non ? Parce que les média, les prescripteurs de tous genres, et in fine les libraires, le leur disent. Il n’y a pas un article ou une critique sur un bouquin jeunesse qui ne précise ce qu’on peut y apprendre. Rares sont les passeurs (à part peut-être le libraire rigolo qui vient parler dans l’émission médicale de la 5) qui se contentent de dire « c’est bien écrit (ou bien dessiné), c’est rigolo, c’est bien achetez-le ».

  2. che

    En passant, je te conseille vivement « Coraline » de Neil Gaiman, une espece d’Alice aux pays des horreurs- un roman pour enfants (et adultes) obsedant, sombre et humoristique. Une perle, justement!

  3. je trouve ton post trs intressant.
    justement je suis en train d’illustrer une histoire dlirante pour enfant et a me fait rflchir… :)

  4. @ Don : le problème de l’éditeur dont je parle, c’est qu’il a une vraie tradition de littérature pour enfants. C’est donc bien dommage de sa part de ne plus verser que dans l’éducatif. Je suis complètement d’accord avec toi sur les « prescripteurs », médias et Education nationale compris. Cette manière de chercher à éduquer les masses est étonnante et s’amplifie de jour en jour : cela se retrouve dans cette insupportable orchestration de notre alimentation (manger bouger.fr, pour votre santé ne magez ni trop gras ni trop salé…) Ne fumez pas, ne buvez pas, surtout ne baisez pas avec n’importe qui… Et le plaisir dans tout cela??? En tout cas merci Don pour ta contribution…

    @ Che : merci pour le tuyau, j’adore la vraie Alice d’ailleurs, les deux types à tête d’oeuf me faisaient mourir de peur, et voilà encore un auteur, Lewis Caroll, qu’on vilipende parce qu’il aurait été pédophile… James Barrie aussi, paraît-il… mouais!!! ah je suis remontée contre ce puritanisme aujourd’hui. Moi je te conseille à mon tour le dernier numéro du « Magazine littéraire » si tu peux le trouver à Londres, sur les « enfers » des bibliothèques… tu verras vite le lien!

    @Pixelités : ah oui je connais tes dessins sur ton blog et je les aime bien… Elle raconte quoi cette histoire?

  5. Le truc que beaucoup de prescripteurs de lectures n’ont toujours pas compris c’est que, du moment que l’on est pas complètement hermétique à toute forme d’apprentissage, n’importe quel livre apporte des connaissances nouvelles. C’est une question d’appréhension de la lecture et un phénomène naturel. Pas besoin d’etre estampillé « éducatif » pour ca. J’irais meme jusqu’à dire qu’un contenu à visée éducative ou morale trop évidente peut avoir l’effet inverse : le lecteur, qui en a marre qu’on le prenne pour un con et lui tienne sans arret la mimine – attention, mon chou ! un gros mot, c’est dangereux, tu pourrais te blesser avec -, se bloque, s’ennuie et laisse tomber.
    L’autre paradoxe de la littérature jeunesse (mainstream) c’est qu’elle propose de plus en plus un monde tout rose, tout beau aux enfants (surtout aux petits) et, au contraire, ultra-noir aux ados. La volonté d’inculquer certains principes, idées… reste cependant présente et ca les ados, ca les gonfle bien (je ne sais pas pour toi, mais moi s’il y a bien une chose que l’école ne m’a pas donné, c’est le gout de la lecture). Tu m’étonnes après que ceux qui lisent quand meme trouvent principalement refuge dans la fantasy et les mangas (contre lesquels je n’ai absolument rien, bien au contraire).
    Bon, je m’en vais de ce pas retrouver mes lectures malsaines, perverses et abrutissantes (d’un point de vue éducationonational bien sur).

  6. @ Agnès : entièrement, complètement d’accord avec toi, chère Agnès. L’école n’a pas réussi, Dieu merci, à me dégoûter de mon loisir favori. Pourtant, plus d’une fois, je me suis faite torpiller par la maîtresse pour avoir lu le livre en entier, avant tout le monde! Et, en terminale, une prof de lettres m’a accusée d’avoir des « lectures inutiles et totalement hors-sujet par rapport au programme » parce que je citais Nabokov dans une dissertation. Alors, que dire des élèves qui détestaient les bouquins! Horreur… Ce que tu dis de la littérature destinée aux adolescents est très juste. D’ailleurs, ces tranches d’âge de lecture ne sont-elles pas tout simplement aberrantes?

  7. « Je préfère mille fois ma Blanche-Neige, cette sainte-nitouche super perverse, à toutes ces histoires faites pour formater nos petits. Pas vous? » Si. D’ailleurs je n’ai jamais acheté un seul livre dit « éducatif » à mes enfants. Je leur achète des livres qui racontent des histoires. Leur éducation, je la fais moi-même et je réponds à toutes leurs questions comme une grande. Mon seul achat « éducatif » a été un dictionnaire et j’ai regretté : tous les mots qu’on y cherche n’y figurent pas, autant ouvrir directement un dictionnaire pour adultes. Bref.
    Je suis quand même atterrée par vos expériences d’Eduknat’. Ben oui, je suis prof, alors j’essaie d’être une « passeuse » de littérature et de mots : comment peut-on reprocher à une élève de citer Nabokov parce que ce n’est pas au programme ? Punaise mais moi je sauterais au plafond d’avoir une élève qui lit autre chose que le programme et qui le cite… Quant aux programmes de l’Eduknat’ ils ne sont pas si éducatifs que ça (en tout cas dans le secondaire, je ne connais pas bien les programmes du primaire) et les bibliographies sont si vastes que l’on peut toujours choisir un très bon roman plutôt qu’un truc moyen et formaté pour coller au programme (je suis sûre que certains auteurs jeunesse écrivent en pensant au programme et aux centaines de vente possibles, Doeu merci pas tous!). Il y a toujours moyen de faire lire d’excellents romans aux jeunes. J’y crois.

  8. @ Fashion : merci pour ce témoignage si intéressant. Venant d’une prof, cela me touche et me soulage. Même si, lors de mon parcours au bahut, j’ai rencontré des hommes et des femmes de lettres plus qu’exceptionnels (Monsieur Erre, Madame Vautrot-Martin, si vous me lisez, c’est pour vous).
    En ce qui concerne les auteurs, j’ai vu notamment chez un éditeur une archive, un manuscrit en voie de publication que l’auteur avait retiré, fou de rage, à la dernière minute. Ses notes sur le manuscrit étaient les suivantes : « oui, mes hippopotames sont nostalgiques et rêveurs, je tiens à ces deux adjectifs! », « non, mon personnage enfantin ne s’exprime pas comme ceci », « où est passé ce paragraphe? vous avez supprimé le moment le plus poétique de mon manuscrit ». Je crois que ça en dit long. Donc oui, certains auteurs résistent. J’espère que ce monsieur trouvera une maison d’édition qui ne castrera pas ses textes ravissants.

  9. @ Fashion : non, non, mon Monsieur Erre à moi est un agrégé de lettres terrifiant et fascinant, qui oeuvrait au lycée Carnot de Dijon et organisait, selon la légende, d’horribles « dîners de cons littéraires »… mais c’était surtout un homme d’une grande intelligence et qui a su ouvrir le coeur de centaines d’élèves aux joies de la belle littérature…

  10. frehelle

    Bon sang que ça fait froid dans le dos, ce que tu dis, Magda… Je déteste les livres « éducatifs », la plupart du temps ça me fait bailler aux corneilles, en bref, ça m’emmerde, oui! Par contre, je ne trouve pas nécessairement que les choses vont en s’aseptisant, peut-être suis-je naïve. Prenons un éditeur tel que « Gautier Languereau ». Que de perles de Poésies, de second degré, de rêverie, dans leurs albums! De même qu’on peut trouver des choses sympas ailleurs. J’ai plutôt l’impression que l’offre s’est enrichie depuis mon enfance à moi (j’ai 31 balais). En tout cas, il est clair que dans mon cabinet d’orthophoniste, les livres pour les petits sont rêveurs et imaginatifs!

  11. Petite j’adorais les contes, tous, des Milles et une nuits aux contes de GRIMM. Aujourd’hui encore, je suis fascinée par l’univers fantastique. Pour moi, il n’y a pas que ce que l’on apprend dans un livre pour enfants, il y a aussi tout l’univers qu’il nous ouvre. La magie qu’il apporte dans le quotidien. L’intuition qu’il existe autre chose…

  12. @ Frehelle : je suis d’accord qu’il reste de bons éditeurs qui prennent quelques risques de publication, mais globalement, je trouve cela rare. Et puis, il y a une chose qui résiste tout de même assez bien, même si parfois les textes ne suivent pas : les illustrateurs, d’une manière générale, sont aujourd’hui reconnus comme des artistes à part entière et ont plus de liberté que les auteurs ; d’où la belle qualité des dessins dans les albums illustrés… et c’est le cas chez Gautier Languereau par exemple ;-) Je suis d’ailleurs contente d’apprendre que tes petits patients trouvent de belles choses dans la salle d’attente de ton cabinet! J’ai paradoxalement des souvenirs merveilleux de mes passages chez le dentiste grâce aux vieux albums tout cornés du Père Castor…

    @La Nymphette : je suis complètement d’accord avec toi, « apprendre » est devenue une priorité absurde… on apprend toujours, quoiqu’il arrive! Et si les contes ont traversé des siècles et des siècles, ce n’est pas pour rien… je doute que Dora l’exploratrice trouve son public dans cent ans… :-)

  13. Merci pour ton article, c’est édifiant ! Et je partage ton point de vue.

  14. Bien sûr, il faut vendre, mais vous dressez un tableau bien négatif de l’ensemble, c’est dommage. La plupart des éditeurs prennent des risques. Je suis d’accord avec Frehelle : il existe toujours une littérature aseptisée, à visée éducative, mais en majorité, ce que proposent les éditeurs jeunesse a vraiment évolué dans un sens qualitatif – en particulier dans le domaine de l’album. Avez-vous lu par exemple, La fille sans cœur de Pieter van Oudheusden et Goele Dewanckel (Le Rouergue) ? ou bien Prunelle de mes yeux d’Elisabeth Brami et Karine Daisa (L’atelier du poisson soluble), La Lune nue de Marie Sellier & Hélène Rajcak (Le baron perché), ou Ôsolémio de Lydia Devos et Kot Kit Lo (Points de Suspension) ? Ce ne sont que 4 titres parmi tant d’autres, mais qui témoignent de la créativité actuelle et du désir des éditeurs d’innover sans cesse. Rien de bêtifiant là-dedans. Il reste qu’en filigrane, on peut trouver une portée « éducative » à n’importe quel ouvrage littéraire, qui « enseigne » des choses, même inconsciemment. Je pense aussi à un album que certains trouveront didactique, mais qui est en même temps un vrai « beau livre » d’art : L’histoire sans fin des Mafous et des Ratafous de Marie Sellier et Diagne Chanel (Paris Musées).
    Par ailleurs, la plupart des thèmes dits « conventionnels » sont aujourd’hui habilement détournés par les auteurs, les illustrateurs, etc. Voir ce que je disais du thème des « doudous », par exemple. http://blongre.hautetfort.com/archive/2007/11/12/doudous.html

  15. Je te rejoins tout à fait dans ton analyse. On pourrait rappeler, pour mémoire, que beaucoup d’ écrivains anciens (Dickens, Andersen, Dumas…)sensés être des écrivains pour enfants, ont décrit leur époque, vu leur monde de façon atypique, critique, poétique, bref tout ce qu’on voudra, mais ils écrivaient c’est tout et surtout ne se posaient la question du rôle éducatif de leurs écrits.
    Je dirais qu’un écrivain qui peut être lu avec autant de satisfaction par des enfants que par des adultes est supérieur aux autres puisque cela tendrait à prouver qu’il y a suffisamment de matière, de degrés de profondeur dans son texte pour que chacun y prenne selon sa matiruté ce dont il a besoin.

  16. Nicolas : c’est vrai, tout est question de richesse des niveaux de lecture. Et l’inverse est vrai aussi : des livres estampillés « jeunesse » publiés actuellement peuvent être lus « avec autant de satisfaction par des enfants que des adultes. » En revanche, Dickens n’a jamais été un auteur jeunesse, pas plus que Swift et ses Voyages de Gulliver – une idée en partie due aux versions abrégées et édulcorées qui sortaient en France, dans des traductions adaptées pour un lectorat plus jeune. Même chose pour les contes, des versions expurgées pour la plupart mais à présent publiés plus fidèlement qu’avant.
    Pour répondre à Agnès, qui écrit : « L’autre paradoxe de la littérature jeunesse (mainstream) c’est qu’elle propose de plus en plus un monde tout rose, tout beau aux enfants (surtout aux petits) et, au contraire, ultra-noir aux ados. » Ces généralités me rappellent un article du monde des livres paru récemment, contre lequel nous avons été nombreux à nous opposer… (voir mon blog pour plus d’infos et celui de Don Lo)
    La diversité éditoriale actuelle me ferait plutôt dire que chacun peut y trouver son compte…

  17. D’abord, avant tout, bonne année à tous!

    @Lois : merci beaucoup! et bienvenue par ici, j’adore les nouveaux visiteurs… :-)

    @Nicolas : je suis d’accord avec toi, ces distinctions auteurs enfants-adultes sont des segmentations marketing peut-être nécessaires pour s’adapter aux besoins de l’économie mondiale, mais qui nuisent tout de même un peu à l’offre éditoriale. Prenons Flammarion. Depuis que la maison a été rachetée par le géant italien Rizzoli, la tendance « au chiffre » a pris une ampleur sans pareille. Leur ligne éditoriale a clairement changé. Le résultat, c’est qu’un publicitaire médiatique (Beigbeider) y dirige des collections sans aucune compétence particulière et qu’on se retrouve avec des publications faiblardes… La grande maison a perdu de son lustre et devient une entreprise comme les autres. On y fait plus de « produit culturel », moins de culture tout court. C’est dommage.

    @ Blandine : merci pour la liste de titres dont tu parles, je les lirai.
    Je trouve ton point de vue très pointu et intéressant. Je ne pense cependant pas noircir le tableau : je ne dis pas que l’édition jeunesse en France est devenue lamentable ; je dis simplement que la tendance à tout rendre « éducatif » est devenue appauvrissante et énervante… et puis, bien sûr, de petits éditeurs se battent, mais avec quelle difficulté! et quel manque de visibilité!
    Je suis tout à fait d’accord avec toi pour dire qu’on publie toujours, aujourd’hui, des choses excellentes dans ce domaine, j’en ai vues… mais je défends ardemment le conte de fées dans ce billet car je crois que rien, rien n’a traversé les âges comme ces histoires qui, même, se passent d’illustrations, construisent notre psyché, donnent le goût du rêve, permet de vivre les choses les plus complexes de notre personnalité… or, ces contes, on les édulcore (Disney le premier, mais aussi au théâtre, je suis comédienne et je le vois quotidiennement) pour les adapter au politiquement correct en vigueur. Je n’ai jamais lu encore une histoire pour enfants qui soit aussi sexuelle, peu moralisatrice, psychanalytique en un mot, qu’un conte de fées. Tout cela, sans traumatiser l’enfant et en lui apportant beaucoup de plaisir…

  18. Galeiliante

    C’est « Tellement » d’actualité pour moi….

    J’ai reçu en cadeau d’une radio « bien pensante » sur la parentalité: tout le monde y va….pour expliquer a mon petit Arthur, de 4 mois, que lui aussi va devoir y aller dans lieu propice à la lecture: Nos WC.

    « Vas y mon loulou, t’arrive même pas à marcher, mais on te gave la tête de tellement d’objectif »

    et j’errais à la Fnac, à la recherche de livre de Baltazar… et là, une perle rare. une beauté total. j’ai couru au rayon BD pour montré ce trésor au papa de mon petit loup: Le livre noir des couleurs.

    j’ai aimé cette poésie d’une livre pour tout le monde, qui ouvre au monde mystérieux de ceux qui ne verons jamais la beauté du bleu-gris des yeux d’un nourisson. Les couleurs y sont raconté, imaginé. j’ai trouver ce livre pour enfant tres touchant, tres frappant émotionnellement. Ce livre noir, à toucher, à lire a regarder brillé ici et là grâce au reflet de la lumiere sur ces dessin nous racontant ce qu’est une couleur…ou une autre…

    voilà, un livre, un trésor pour enfant. un de ces livres qui parle a l’imaginaire.

    mais j’aime quand meme le livre de la petite taupe qui voulais savoir qui lui avait fait caca sur la tete… parce que je ris, meme si je connais la fin!

    A coté de ca, tout un tas de livre, qui remplace les mot juste d’un parent qui connais sont enfant pour surtout ne pas affronter un dialogue. Oui, Oedipe c’est pas simple, petit complexe qui panique. alors, le livre vient a la rescousse du parent. Pouf-pouf, on se creuse pas la tête.

    Au final, je trouve que ca formate la pensé. Et je suis libre de pensée ce que je veux. Mon fils aussi. Quel idée d’avoir des parents qui sont partisant du libre Examen. ca vous pouris la lecture basique, on cherche de livre qui ouvre la porte a des monde merveilleux….

    Anne Ju pour les intimes (pas vous, elle , elle a le droit de m’appeller comme ca et toc)

  19. @ Galeiliante (Anne-Ju pour les intimes): merci pour ta réaction toute en poésie, justement… La mère et la lectrice que tu es sont une seule et même personnes, qui ne font pas beaucoup de différence entre ce qu’elles aiment lire et ce qui pourra plaire à leur enfant… et je pense que tu as raison. « Le livre noir des couleurs » est très tentant en tous cas… :-)

  20. R.

    Oui « la psychanalyse des contes de fée » est un excellent bouquin.

    Tout à fait d’accord concernant les livres pour enfants.
    D’ailleurs c’est la même chose pour le spectacle vivant. Pour avoir été ouvreuse dans un théâtre, plus un spectacle est intelligent et séduit les adultes également plus il plait aux enfants. Pas fous ces gosses!
    Mon petit Lu n’a pas encore l’âge des contes de Grimm, à 26 mois c’est les aventures de Boubou le pygmée (tiens pas mal ce mot au scrabble)!

    Bisous Bisous

    ps: si mon com arrive en plusieurs exemplaires (ordi capricieux) efface, efface chère enfant!

  21. Bien d’accord avec toi. C’est avec un regard d’adulte qu’on se rend compte que les contes pour enfants sont loin d’être des histoires toutes roses avec des princesses à la Disney. Au contraire, des parents abandonnent leurs enfants, les ogres pullulent et les sorcières rivalisent de cruauté. Mais ça se finit bien, la magie et le courage rendent tout possible. Et pourtant personne n’est traumatisé par ces histoires. Il y a de vraies leçons là-dedans, c’est un des premiers apprentissages de la vie.

  22. oui, des contes, à foison… Ce sont des nourritures pour l’imaginaire de tous. Mais la sauce Walt Disney fait son œuvre…Les films qui prennent de la distance et en rient aussi…

  23. @ Roxane : hé oui, au théâtre c’est exactement la même histoire!!! « Boubou le Pygmée » je ne connais pas, c’est bien?

    @ Phil : merci pour ton com. Je suis contente de voir que les contes rassemblent… Vive les frères Grimm!!!

    @ Sylvie : en ce qui concerne les films qui prennent de la distance et en rient, comme tu le dis si bien, je trouve que ce sont souvent des histoires amusantes et bien réalisées mais qu’elles ont tout perdu de la profondeur psychologique et onirique des contes de fées traditionnels. « Shrek », j’adore, mais pour moi cela reste du divertissement pur…

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  25. Pourquoi est-ce si rare de pouvoir lire ce que vous racontez ? Pour nous c’est un régal, une gourmandise de lire un raisonnement pareil. Pour nous qui éditons des livres pour enfants avec photos, photos où les enfants s’écartent souvent des jolies images attendues. Et les critiques reçues à Où sont les enfants ? sont désespérantes : Les enfants ont les ongles sales, souvent mal coiffés, mal habillés, « on dirait des gitans », on les collectionne pour les afficher sur les murs comme d’autres le feraient de trophées. Presque envie de mettre en photos une Blanche-neige comme celle que vous racontez.

  26. @ Antonin et Tieri : merci! on avait les parents, les profs, les lecteurs dans la boucle… il manquait les éditeurs! Merci d’être là pour faire entendre votre voix sur la question. Je n’en reviens pas des critiques que font certaines personnes sur vos travaux. « On dirait des gitans » : toute une certaine France est là… ça fait peur! Ah au fait, si vous dégottez une Blanche-Neige comme je la décris, grandeur nature, je veux une photo moi aussi! ;-)

  27. @ Blandine : Je me suis mal exprimée. Je ne nie pas du tout la diversité éditoriale en matière de littérature jeunesse et le fait que chacun puisse y trouver son compte. Ce dont je voulais parler (je l’avais peut-etre mieux exprimé dans mon commentaire posté sur le blog des livres à propos de l’article du Monde que tu mentionnes), c’était de la tendance apparemment grandissante (tendance, pas fait absolu) de bon nombre de prescripteurs de lectures (profs, libraires, bibliothécaires… et là encore je sais très bien qu’ils ne sont pas tous comme ca, heureusement) à ne proposer que du tout rose aux petits et du tout noir aux ados.
    Je suis la première à me réjouir de la diversité éditoriale (dans tous les domaines) actuelle et je suis pour l’autodétermination du lecteur (que chacun lise ce qui lui plait/le tente), meme jeune, et pour plus de flexibilité dans les classifications :).

    @ Magda : Pourquoi ca ne m’étonne pas de toi Nabokov ;) ? En seconde, je lisais Giono en cours de maths (pour cause d’incompatibilité d’humeur et pédagogique avec la prof) et je choquais ma famille en lisant Sartre (et pourtant je n’étais pas encore une grande lectrice). Et en quatrième, ma prof de francais avait décidé de trouver toutes mes lectures stupides et sans intéret, quelles qu’elles soient. Une pro de la motivation, cette femme ;).

  28. @ Agnès : Ah, Giono en cours de maths, ça devait être rafraîchissant! Parfois, certaines lectures secrètes ont un goût inoubliables… Pour moi, c’est les San Antonio sous la couette, quand j’avais douze ans… lecture un peu coquine et qui m’a ouvert le monde du burlesque! avec une plaquette de chocolat, j’étais aux anges!

  29. ex enseignante en école maternelle, libraire « autrement » désormais, merci pour ces propos que je découvre avec délectation;
    mes expériences professionnelles illustrent parfaitement vos propos; les enfants de ma classe aimaient les contes que je leur racontais tout au long de la journée et maintenant , quand ils me rencontrent (adultes eh oui…) ils me rappellent leurs journées de classe, ne se souviennent pas d’apprentissages mais d’un bonheur sur lequel ils ne mettent pas d’images, c’est cela l’effet « bain de poésie » . Mes élèves de 5 à 6 ans me disaient très souvent des choses du genre « lis nous les belles histoires de ton grand classeur » , et je leur lisais sans vergogne des extraits de poèmes ou des poèmes entiers d’Appolinaire, Musset, Rimbaut, Prévert, Peau d’âne (eh oui!) ils ne comprenaient pas tout, mais ils en redemandaient donc c’est qu’ils ressentaient tout!!! vive la Littérature à l’école maternelle . Maintenant , notre librairie ambulante nous amène à proposer des livres aux enfants , des ouvrages qui n’ont pas froid aux yeux, des ouvrages d’une poésie débordante, choisis chez les petits éditeurs,eh bien , le croiriez vous? ….. les enseignants n’en veulent pas facilement, les parents les refusent , en général, catégoriquement , on nous demande « des histoires de princesse, des histoires qui ne font pas peur » donc « faire connaître  » et faire acheter des albums différents est devenu le combat de notre librairie associative  » et surtout faire en sorte que les enfants aient droit de les choisir eux-même sans le véto tout puissant des adultes en mal de petits génies performants , premiers de classe; mais seront -il les génies de leur propre vie? vite, repenser le retour du règne de la littérature à l’école, repenser une véritable formation critique chez les enseignants, donner les moyens aux libraires, aux bibliothécaires de quitter la pensée politiquement correcte, vite rendre sa place à la littérature afin que jamais plus les enfants ne soient privés du réel choix de leurs lectures !
    bravo aux professionnels qui prennent le risque de se lancer dans l’aventure et qui clament « il n’y a pas de « littérature de jeunesse », il y a de la littérature . Point.

  30. @ Claudine : Merci d’être venue nous faire partager votre expérience si enrichissante! Je trouve l’idée de votre librairie itinérante absolument poétique et formidable… et les réflexions de certains parents, affligeantes! Comme c’est triste! Mais si votre librairie existe, si ces livres existent, c’est qu’il y a des lecteurs pour eux, n’est-ce pas? L’espoir est là!

  31. Bonsoir Magda – cet album vous plairait ausi (j’y pense après coup !) – un remake de Barbe-bleue percutant :
    Frisson de fille d’Edward Van Der Vendel & Isabelle Vandenabeele, traduit du néerlandais par Daniel Cunin (Le rouergue)

    Quant au travail de Claudine, il est passionnant – en poésie, c’est souvent la musicalité des mots qui prime, le rythme des phrases : le sens, la compréhension viennent parfois plus tard. Et les enfants (ou les plus grands quand ils parviennent à dépasser leurs a priori) le sentent aussitôt.

  32. @Blandine : merci pour le titre, je me pencherai sur ces jolis albums à mon retour à Paris. Et je suis tout à fait d’accord avec ce que vous dites de la poésie…

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  36. blandine L S

    C’est avec intérêt que j’ai lu ton commentaire. En qualité de conteuse je suis régulièrement confronté aux problèmes des parents qui souhaitent que l’on offre à leur enfant des contes complètement  » javellisés » ou tout se passe bien dans le meilleur des mondes. Des contes ennuyeux et sans caractère.
    Je suis actuellement dégoutée.
    Je pense qu’il faut donner au conte un peu de tempérament, du suspens, de l’action, de la crainte, de la peur, et finalement tout s’arrange (sauf pour les contes d’Ankou, ou la fin malheureuse est inévitable).
    Comment faire ?
    je suis fatiguée de devoir me justifier et de défendre mes idées.

  37. Comprendre

    Bonjour à tous et à toutes .
    Je ne comprend pas trop ce site . Quel importance a t-il ?

  38. Bien dit ! Je ne crois pas que les enfants soient les innocents qu’on prétend. Dans la phase de construction de soi, ils abordent toutes les pulsions y compris celles qu’une société civilisée et structurée réprouve justement. Ils ne sont pas que douceur et sucre. Non, ils hébergent comme nous, les adultes, des élans répréhensibles que l’éducation sert à canaliser. De le lire dans des contes qui ne sont pas hypocrites ou niais leur permet de voir qu’ils ne sont pas « anormaux » et ils peuvent comprendre alors que bien que ces pulsions existent, il convient d’en museler certaines. C’est apprendre les limites, le bien et le mal, j’imagine. Enfin, j’ai pas lu Bettelheim et je ne suis pas psy non plus, mais c’est mon impression.

    • Bien vu : vous avez le point de vue de Bettelheim sans l’avoir jamais lu, et c’était loin d’être un imbécile… je vous en recommande la lecture, fascinante. Utile aussi pour comprendre qui on est. Prenez votre conte préféré et décryptez-le avec Bettelheim et vous serez sacrément surprise d’en apprendre beaucoup sur vous…

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